::: ILE-DE-FRANCE

FRANCE BLEU – 09/03/2017

Plan anti-bouchons en Ile-de-France : découvrez ce qui va changer dans votre département

Le vote du Plan anti-bouchons du Conseil régional a lieu jeudi. Il s’agit de « redonner à la route toute sa place dans la politique régionale de transport ». Au total, L’Ile-de-France va consacrer 500 millions aux infrastructures routières. Découvrez les travaux prévus dans votre département.

La région Ile-de-France vote, jeudi, son Plan anti-bouchons. Ce Plan, qui s’étale jusqu’en 2020, s’articule autour de trois grandes idées. Les principaux points noirs du réseau vont être traités. Un réseau routier d’intérêt régional, avec un meilleur entretien des infrastructures et de la chaussée, va être constitué. Il est aussi prévu de développer la route intelligente où la circulation sera facilitée grâce à des supports modernes et performants.

La Région s’est focalisée sur certains secteurs, certaines routes. Découvrez ce qui va changer dans votre département.

Futur réseau routier d’intérêt régional

Voici les projets qui font l’objet d’un financement dans le cadre du plan régional « anti-bouchons ». Certains projets ne sont pas représentés pour des raisons de lisibilité.

Seine-et-Marne

  • 1 • Liaison Meaux-Roissy. Etude du barreau RN 3 – RN 2
  • 2 • Liaison sud de Chelles. Accès à l’île de loisirs de Vaires-sur-Marne
  • 3 • Etude du contournement de Coulommiers
  • 4 • Etude du contournement de Guignes
  • 5 • Etude des franchissements de la Seine à Melun
  • 6 • Liaison RD 306 – RD 346 (contournement de Melun)
  • 7 • RD 1605. Liaison RN 105 – RD 606 (contournement de Melun)
  • Non représenté • RD471. Aménagement des carrefours de Belle-Croix et des Quatre Pavés à Chévry-Cossigny et Ozoir-la-Ferrière
  • Non représenté • Complément du diffuseur A 4 / RD 603 à Saint-Jean-les-Deux-Jumeaux

Essonne

  • 8 • Itinéraire est-ouest. Déviation de Paray-Vieille-Poste
  • 9 • Etude du franchissement de la Seine entre Athis-Mons et Vigneux-sur-Seine
  • 10 • RD 31. Liaison nord-sud. Barreau RD 17 / RD 74
  • Non représenté • Itinéraire est-ouest. Autres aménagements des voies existantes (dont RD 36 et contournement d’Orly)
  • Non représenté • Réaménagement du diffuseur de Corbeville avec la RN 118
  • Non représenté • Amélioration de la circulation routière sur la RN 7 (hors financements SPTC)
  • Non représenté • Etudes pré-opérationnelles de décongestionnement de carrefours sur la RN 20

Yvelines

  • 11 • Etude de la liaison A 13 – RD 28
  • 12 • Déviation de la RD 154 à Verneuil et Vernouillet
  • 13 • Etude de la liaison RD 30 – RD 190
  • 14 • RD 121. Voie nouvelle départementale à Sartrouville et Montesson
  • Non représenté • Doublement de la RD 30 à Plaisir et Elancourt
  • Non représenté • Bretelle d’accès A 12 / RD 7 à Bailly

Val d’Oise

  • 15 • RD 14. Déviation de La Chapelle-en-Vexin
  • 16 • Avenue du Parisis. Section est
  • Non représenté • Desserte de la plateforme multimodale de Bruyères-sur-Oise depuis la RD 922
  • Non représenté • Desserte du site Airbus Helicopters depuis la RD 84A
  • Non représenté • Bretelle A 15 / RD 122 à Sannois
  • Non représenté • Réaménagement de la patte d’oie d’Herblay (A 15 / RD 14 / RD 392 / RD 106)

Hauts-de-Seine

  • 17 • Etude du boulevard urbain de Clichy – Saint-Ouen (en commun avec la Seine-Saint-Denis)
  • Non représenté • A 86. Demi-diffuseur du Plessis-Robinson
  • Non représenté • RD 1. Quai de Clichy à Clichy-la-Garenne et quai Michelet à Levallois-Perret (en commun avec la Seine-Saint-Denis)
  • Non représenté • RD 7. Aménagements à Suresnes et Saint-Cloud
  • Non représenté • SITER. Système informatisé de télésurveillance et de régulation du trafic

Seine-Saint-Denis

  • Non représenté • Traitement du point noir de circulation Ex-RN 302 / RD 116
  • Non représenté • Etude du carrefour ex-RN 186 / A 3 (place Saint-Just) et nouveau franchissement
  • Non représenté • Réaménagement de la RD 1 (5 km) au débouché du pont de Saint-Ouen
  • Non représenté • Nouvelles tranches fonctionnelles de Gerfault II (poste central de circulation du Département)

Val-de-Marne

  • 18 • Accessibilité et desserte du pôle d’Orly (maillage est-ouest à créer)
  • 19 • Etudes du franchissement de Seine au nord du Val-de-Marne
  • Non représenté • Extension de Parcival (centre de gestion des feux de circulation sur le territoire du Val-de-Marne)

Paris

  • Non représenté • Etude de voies réservées taxi, auto-partage et covoiturage

Les autres projets

  • 20 • Contournement est de l’aéroport Charles-de-Gaulle (95 / 77)
  • 21 • RD 45. Contournement de Chalifert et Jablines (77)
  • 22 • RD 619. Contournement de Mormant (77)
  • 23 • Contournement de Melun (77)
  • 24 • Franchissement de la Seine entre Vernou-la-Celle et Écuelle (77)
  • 25 • Franchissement de la Seine en aval de Montereau-Fault-Yonne (77)
  • 26 • Franchissement de l’Yonne en amont de Montereau-Fault-Yonne (77)
  • 27 • Franchissement de la Seine à Épône (78)
  • 28 • A 104. Prolongement entre Cergy-Pontoise et Poissy-Orgeval (95 / 78)
  • 29 • Avenue du Parisis. Section ouest (95)
  • 30 • RD 909. Déviation de Montlignon (95)
  • 31 • RD 370. Déviation d’Ecouen et d’Ezanville (95)
  • 32 • Barreau de Louvres et nouveau diffuseur avec la Francilienne (95)
  • • 33 • Franchissement des voies ferrées à Saint-Denis entre le carrefour Pleyel et l’avenue du Président Wilson (93)
  • 34 • Franchissement des voies ferrées et de la Seine entre Valenton et Choisy-le-Roi (94)
  • 35 • RN 19. Déviation de Boissy-Saint-Léger. Section sud et tranchée couverte (94)
  • 36 • RN 406. Prolongement et desserte du port de Bonneuil (94)

Martine Bréson

 

 

LES ECHOS – 09/03/2017

La région Ile-de-France veut plus de PME dans ses marchés publics

 

En six ans, la part des PME dans la commande publique est passée de 45,7 à 54 %.

La présidente de la Région Ile de France, Valérie Pécresse, souhaite « mieux faire »

Le montant des achats publics s’élève à 1 milliard d’euros en Ile-de-France. La Région vote jeudi ou vendredi un « Small Business Act » pour favoriser l’accès des PME aux marchés publics.

Quelques mois après la réforme du Code des marchés publics, les collectivités s’emparent à leur tour de la question sensible des achats publics pour promouvoir l’emploi local. Dans les jours qui viennent, la région Ile-de-France va voter une série de mesures baptisée « Small Business Act », réformant sa stratégie de commande publique pour y faire la part belle aux PME et TPE. Elle n’est pas la seule : depuis novembre 2016, Paca s’est engagée dans cette voie, souhaitant même réserver des quotas aux PME locales.

La région Ile-de-France, poids lourd économique avec 835.000 TPE-PME, est un très gros acheteur public : 1 milliard d’euros, soit plus de 1.000 commandes annuelles (construction, formation, transports…). Toute mesure nouvelle y est donc scrutée à la loupe. D’autant que, malgré la baisse des dotations, la part des achats devrait aller crescendo, vu le nombre de lycées à construire, les besoins en formation et les nouvelles compétences économiques. En six ans, la part des PME dans la commande publique est passée de 45,7 à 54 %. La région veut encore pousser le curseur. « Nous devons mieux faire, pour faire grandir ces PME, qui emploient 4 millions de salariés », assure la présidente de la région, Valérie Pécresse.

Simplification et dématérialisation

Premier levier de la réforme, la simplification et la dématérialisation des procédures rendues possibles par les récentes évolutions législatives. Nombre de PME se plaignent de devoir remplir inlassablement les mêmes documents, et cette culture de l’écrit les désavantage au profit des grands groupes. La dématérialisation complète est prévue pour fin 2018. Pour familiariser les PME à la commande publique, elle crée des forums d’information avec des acheteurs en amont – notamment dans le cas des produits innovants. L’objectif est aussi de leur donner le temps de se constituer en groupements pour attaquer les marchés.

Les professionnels, associés à cette démarche, saluent ces efforts. Mais, pour bon nombre d’entre eux, l’attente portera surtout sur la promesse faite par la région d’allotir davantage. En 2015, 27 % des consultations régionales étaient alloties, contre 16 % en 2009. Reste que le contexte financier pousse certaines collectivités à relâcher l’effort. « Certai­nes, par facilité ou économie, privilégient les grosses entre­prises générales. Du coup, les PME restent sous-traitantes et perdent leur marge », dénonce Francis Dubrac, PDG de l’entreprise de BTP Dubrac et l’un des responsables du Medef 93, qui redoute une nouvelle baisse des allotissements avec la vague de mutualisations liée à la Métropole du Grand Paris. « Attention à garder une territorialisation car les PME ne peuvent pas couvrir un territoire trop vaste », prévient-il.

Facturation électronique

Deuxième frein, les finances. La région est à trente-six jours de délai de paiements, soit six jours au-dessus du seuil légal. Pour résorber ce point noir, la facturation élec­tronique sera déployée entre 2017 et 2020. Il sera également possible d’obtenir une avance de trésorerie couvrant de 30 à 50 % de la somme, y compris sur des marchés inférieurs à 50.000 euros.

Ce « Small Business Act » francilien ne va pas jusqu’à réserver un quota local, comme Paca ou les DOM-ROM. Telle mesure pourrait faire tousser Bruxelles, très sourcilleuse sur les questions de concurrence. « Des compensations auraient pu s’envisager, car nous sommes en concurrence avec des entreprises d’Amiens, de Caen ou d’Orléans, qui ont moins de charges : pas de passe Navigo à payer, des salaires et des loyers moins élevés », regrette Francis Dubrac.

Pour dissuader certaines entreprises et certains salariés étrangers de venir, autant, dit-elle, que par souci de sécurité sur les chantiers, la région a malgré tout prévu de mettre en place la clause dite « Molière », obligeant à parler français. « Ce « Small Business Act » est aussi un signal adressé à la lutte ­contre le travail illégal. Nous ferons et ferons faire des contrôles », indique-t-elle. Voilà les PME prévenues.

Laurence Albert

 

 

LA TRIBUNE – 09/03/2017

Logement neuf : les raisons des chiffres records en Île-de-France

 

Le Grand Paris crée une dynamique pour la construction de logements en Île-de-France.

 

Jamais, depuis les années 1970, autant de mises en chantier de logements n’avaient été enregistrées en Île-de-France. La contexte global est hyper favorable.

L’activité sur le marché du logement neuf en Île-de-France atteint des niveaux records. De février 2016 à janvier 2017, les mises en chantier de logements sont en hausse de 18 % sur un an à 71.000 unités. Mieux encore, environ 91.000 autorisations de construire – soit une hausse de près de 23 % sur un an ! – ont été délivrées. Un niveau « jamais vu depuis les années 1970 », indique Isabelle Derville, directrice régionale et interdépartementale adjointe de l’équipement et de l’aménagement d’Île-de-France. Signe, aussi, que l’activité de l’immobilier résidentiel francilien devrait être soutenue dans les mois à venir. En fait, quasiment à elle seule, la région capitale tire la croissance du secteur du logement neuf en France. Cette dynamique s’est installée au second semestre 2015 et, depuis, les mises en chantier et les permis de construire connaissent des taux de croissance à deux chiffres. De quoi résorber en partie la mauvaise période 2006-2013, qui a vu le nombre de résidences principales franciliennes augmenter de seulement 31.500 unités en moyenne chaque année, soit l’un des rythmes les plus faibles depuis l’après-guerre.

Acteurs publics et privés tirent dans le même sens

Jusqu’en 2015, la production de logements était bien inférieure aux besoins réels de la population estimés à 70.000 nouveaux logements par an. De fait, la crise du logement en Île-de-France n’a pu que s’accroître ces dernières années. Ainsi, l’urgence de la situation a provoqué une prise de conscience collective. Acteurs privés comme publics tirent désormais dans le même sens en Île-de-France.

Il y a d’abord un projet de long terme dont l’Etat est moteur, le Grand Paris, qui décuple l’attractivité de la région. Grâce notamment aux chantiers du Grand Paris express qui prévoit de doubler la taille du métro parisien sur le territoire de l’agglomération parisienne grâce notamment à quatre lignes supplémentaires, et qui va permettre de créer 68 nouvelles gares, ce sont 30 milliards d’euros d’investissements publics qui vont être engagés dans les 15 prochaines années. Or, autour des gares notamment, l’aménagement est déjà un enjeu majeur et de multiples constructions de logements sont prévues. Au total ce méga projet devrait générer a minima 60 milliards d’euros de PIB supplémentaires à long terme pour la région Île-de-France, voire plus de 100 milliards d’euros selon des hypothèses les plus optimistes, soit une hausse à terme du PIB francilien de 10 à 15 points.

Les pouvoirs publics hyperactifs

Les chiffres records sur le marché du logement neuf dans la région capitale sont aussi dû au nouveau cadre législatif beaucoup plus favorable à la construction de logements : il y a d’abord eu la loi sur la mobilisation du foncier public, « qui a permis la cession ces derniers mois de 23 terrains pour le démarrage de 6 .600 logements, dont plus de la moitié sont des logements sociaux », indique Isabelle Derville. Elle salue également l’action de l’établissement public foncier d’Île-de-France, qui sous l’impulsion de la nouvelle majorité régionale intensifie son action en stockant, acquérant et cédant du foncier, le tout pour la production récemment lancée de 9.500 logements. Par ailleurs, la politique d’encouragement des maires bâtisseurs (33,5 millions d’euros leur ont été délivrés en 2015) aurait également eu un effet bénéfique sur le secteur du logement neuf. Enfin, la vague de simplification des documents d’urbanisme commence à porter ses fruits. La réforme du règlement du Plan local d’urbanisme (PLU) prend notamment mieux en compte les diversités locales et donne plus de flexibilité aux maires pour s’adapter.

En outre, le monde du logement social a obtenu auprès des pouvoirs publics de nouvelles aides financières. Le 31 mai 2016, le gouvernement a notamment lancé un dispositif financier pour soutenir la production de logements sociaux (qui représente environ la moitié de la production nouvelle en Île-de-France). La Caisse des dépôts a ainsi débloqué une enveloppe de 2 milliards d’euros de prêts de long terme. Un fonds pour la création de logements locatifs pour les classes moyennes, particulièrement pertinent en première couronne parisienne, a également été lancé par une filiale de la Caisse des dépôts. Il permet notamment de faire revenir les investisseurs institutionnels sur le marché du logement à grands coups d’avantages fiscaux. Bref, de multiples freins à la production de logements ont été supprimés.

Coup de pouce du gouvernement

En parallèle, du côté de la demande, beaucoup de mesures de soutien ont été mises en œuvre. Au-delà du niveau des taux d’intérêt nominaux de crédits immobiliers historiquement bas (ils ont atteint 1,31 % en moyenne en novembre 2016 selon l’Observatoire Crédit Logement /CSA), les pouvoirs publics ont pris des mesures pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages. Concrètement, le gouvernement a dans un premier temps fait revenir les investisseurs particuliers grâce au dispositif Pinel, mis en place fin 2014, qui donne la possibilité aux investisseurs de louer à leurs ascendants et à leurs descendants sur des durées modulables (6,9, 12 ans) tout en bénéficiant d’un avantage fiscal. Et dans un second temps, pour soutenir les achats des ménages primo-accédant, l’exécutif a élargi début 2016 le périmètre du prêt à taux zéro dans l’immobilier neuf. Ainsi, les deux moteurs du marché du neuf (investisseurs et ménages accédant) sont repartis à la hausse. Et l’immobilier francilien en a été l’un des principaux bénéficiaires.
Bref, voilà un secteur mature de l’économie qui va fort. Et c’est assez rare pour être souligné en ces temps où la stagnation des taux de croissance s’installe durablement dans les économies occidentales.

Mathias Thépot

 

::: ECONOMIE

LE MONDE – 09/03/2017

La négociation sur l’assurance-chômage démarre doucement

Patronat et syndicats n’avaient pas trouvé d’accord en juin 2016.

Beaucoup estimaient que rien ne reprendrait avant mi-2017. Que les partenaires sociaux laisseraient passer l’élection présidentielle, une période de campagne étant peu propice aux discussions, avant de se remettre autour de la table. Et pourtant : mardi 7 mars, représentants du patronat et des syndicats ont bel et bien entamé le premier tour de leurs négociations pour la signature d’une nouvelle convention régissant l’assurance-chômage, huit mois après l’échec des premières discussions.

Tous les deux ans, patronat et syndicats doivent en effet décider des règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Réunis pour plusieurs séances de travail en juin 2016, ils n’étaient pas parvenus à trouver un accord, laissant l’Etat reprendre la main et proroger la convention signée en 2014. Le point d’achoppement : la surtaxation des contrats courts, ardemment souhaitée par les syndicats et tout aussi violemment rejetée par le patronat.

Aujourd’hui, l’ambiance semble tout autre. Certes, la réunion de mardi, première d’une série de quatre séances, n’a pas encore donné de résultats tangibles. Mais elle a permis aux uns et aux autres de présenter leurs idées et leurs revendications. Surtout, elle leur a permis d’apprécier le niveau d’engagement et d’ouverture de chacun. Tous sont ressortis satisfaits, considérant que le climat des discussions était « plus apaisé » qu’en juin.

« On a senti que plusieurs voies de passage s’étaient libérées. Nous avons l’espoir d’y arriver cette fois », s’est réjoui Michel Beaugas, négociateur pour FO.

« Tout le monde était plus ouvert qu’en juin, ça donne l’impression que des voies sont possibles pour trouver un accord », a abondé pour sa part Véronique Descacq, négociatrice pour la CFDT et numéro deux de la centrale.

Un déficit de 4,2 milliards d’euros

Reste aujourd’hui à trouver des points d’accord. Car il y a péril en la demeure : l’Unédic, l’organisme responsable de la gestion de l’assurance-chômage, affiche un déficit de 4,2 milliards d’euros. Abyssale, sa dette dépasse les 30 milliards. Pour assurer la pérennité du régime, les partenaires sociaux doivent ajuster les paramètres de l’indemnisation ou alors trouver de nouvelles recettes.

Or, les propositions de l’organisation patronale, envoyées quelques jours avant la première séance de négociations, sont aujourd’hui, selon les syndicats, loin de permettre un consensus. Le Medef considère que sur les 4 milliards d’euros de déficit, un milliard est conjoncturel, soumis aux aléas de la crise et au taux de chômage encore élevé. Deux autres seraient liés à des contingences qui dépassent les modalités de gestion de l’assurance-chômage par les partenaires sociaux. Il en serait ainsi de l’indemnisation des salariés frontaliers (cotisant en Suisse à un régime « moins généreux, explique le Medef, et indemnisés dans l’Hexagone ») mais aussi des frais de gestion de Pôle emploi auxquels l’Unédic contribue à hauteur de 10 % de ses recettes.

Contre-propositions

Reste un dernier milliard de déficit, sur lequel le patronat pense que les partenaires sociaux peuvent avoir prise. Pour le résorber, ils proposent entre autres d’augmenter l’âge à partir duquel une personne, considérée comme senior, a droit à trois ans d’indemnités. Le Medef souhaitant le faire passer de 50 à 57. Si la CFDT est d’accord pour le relever à 52, FO est, elle, plus mitigée. « Ça n’empêchera pas les employeurs de licencier à 50 ans », explique M. Beaugas. Par ailleurs, s’il est d’accord avec l’idée qu’une partie du déficit n’est pas de la responsabilité des partenaires sociaux, ce dernier estime qu’il ne faut « pas priver Pôle emploi de ressources à un moment crucial ». M. Beaugas estime en outre que le chapitre des contrats courts n’est pas totalement clos, même si le patronat est opposé à tout renchérissement du coût du travail.

Les syndicats qui ont mis sur la table des contre-propositions attendent maintenant des chiffrages de l’Unédic. Ils pourraient se mettre d’accord sur un contre-projet commun avant la prochaine séance, prévue le 14 mars. S’ils ne produisent pas de texte commun, les partenaires sociaux risquent de ne plus jamais signer de convention. Que ce soit chez François Fillon ou Emmanuel Macron, le paritarisme n’est plus en odeur de sainteté.

Sarah Belouezzane

 

 

LE FIGARO – 09/03/2017

L’économie française a créé 187.200 emplois en 2016, un record depuis 2007

Selon les chiffres définitifs de l’Insee, la création d’emplois a presque doublé par rapport à 2015. Une progression due principalement à celle de l’intérim qui a progressé de 12%.

L’économie française a crée 187.200 postes, en net, dans le secteur marchand (+1,2%) sur l’ensemble de l’année 2016, une performance inédite depuis 2007, selon les chiffres définitifs de l’Insee publiés jeudi. Ces chiffres viennent confirmer à quelques milliers près les estimations provisoires de février (191.700 emplois). Le dernier trimestre de 2016 s’est bien terminé, avec 64.400 créations nettes d’emploi dans les secteurs marchands non agricoles (+0,4% par rapport au trimestre précédent), soit le septième trimestre consécutif de hausse, précise l’Insee.

Malgré une hausse du produit intérieur brut (PIB) légèrement ralentie en 2016 par rapport à 2015, à +1,1% après +1,2%, l’économie française a créé près de deux fois plus d’emplois dans le secteur privé en 2016 qu’en 2015 (100.000).

Le secteur privé crée de l’emploi grâce à l’intérim

Le secteur privé est resté, en fin d’année dernière, créateur net d’emplois pour le septième trimestre consécutif, principalement grâce à l’intérim, qui a progressé de 6,1% sur les trois derniers mois (+37.600 postes), et, sur l’année, bondi de 12%.

Sur cette même période, l’emploi tertiaire marchand hors intérim croît au même rythme que le trimestre précédent: +34.500 (+0,3%). En revanche, l’industrie et la construction continuent de détruire plus d’emplois qu’elles n’en créent: 5.500 emplois perdus dans l’industrie (-0,2%) au dernier trimestre, soit 24.900 sur l’année (-0,8%), et 2.200 dans la construction (-0,2%) au dernier trimestre et 10.800 en un an (-0,8%).

 

LE FIGARO – 09/03/2017

Touraine annonce une baisse des tarifs hospitaliers

La diminution sera de 0,9 % pour les hôpitaux et de 1,39 % pour les cliniques privées.

Après trois années déjà de très forte pression budgétaire, hôpitaux et cliniques vont encore une fois devoir se serrer la ceinture en 2017! Marisol Touraine a en effet annoncé ce mercredi une nouvelle baisse des tarifs hospitaliers, de 0,9 % pour les hôpitaux et de 1,39 % pour les cliniques privées. «Compte tenu de l’augmentation prévisionnelle du volume d’activité», les tarifs pour la médecine, la chirurgie et l’obstétrique «seront amenés à diminuer» de 0,9 %, a justifié le ministère de la Santé. À cette baisse, les établissements privés se verront appliquer une décote supplémentaire de 0,49 % afin de «neutraliser» les effets du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et du pacte de responsabilité qui «s’appliquent aux seuls établissements privés».

«Sentiment d’injustice»

Un argument bien connu qui ne passe toujours pas. «On participe aux efforts du secteur, on promeut l’hospitalisation à domicile, on est vertueux, mais on ne récolte que baisse de tarifs sur baisse de tarifs depuis trois ans», proteste Lamine Gharbi, président de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP). À cela s’ajoute un «sentiment d’injustice» face au secteur associatif qui a obtenu le CITS (équivalent du CICE), mais auquel ne s’applique pas de décote. La FHP envisage de saisir le Conseil d’État contre cette décision.

Le pire semble, en revanche, avoir été évité côté public. «Le nœud du garrot se serre un peu moins que ce que nous redoutions, a réagi Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France (FHF), qui fera jeudi un communiqué commun avec son homologue de la FHP. Ce n’est pas la ponction violente annoncée, mais cela reste cependant un effort drastique, alors que les hôpitaux sont dans un contexte tendu. L’exercice sera difficile.»

Pour la CSMF, principal syndicat des médecins libéraux, le gouvernement «s’entête à prendre le problème à l’envers». Dénonçant une vision hospitalocentrée, l’organisation demande au ministère «de sortir des postures dogmatiques et de recentrer l’organisation du système de santé autour de la médecine de ville, avec les moyens nécessaires».

Marie-Cécile Renault

 

 

LES ECHOS – 09/03/2017

Etat d’urgence pour le commerce extérieur

Le déficit commercial a atteint 7,9 milliards d’euros en janvier, un record. L’appareil exportateur français est de plus en plus concentré.

Les candidats à l’élection présidentielle sont peu loquaces sur le sujet, mais le problème est toujours aussi urgent qu’il y a cinq ans. La compétitivité reste le talon d’Achille de l’économie française. Pour preuve, le chiffre du déficit commercial au mois de janvier, publié ce mercredi par les Douanes, affiche un niveau jamais atteint sur un seul mois , à 7,9 milliards d’euros. Et, sur les douze derniers mois, il dépasse 53 milliards d’euros alors que, dans le projet de loi de finances de 2017 de l’automne dernier, Bercy tablait cette année sur un déficit en légère hausse par rapport à 2016, à 49 milliards d’euros.

Peu de ventes d’Airbus

En janvier, « cette aggravation très forte est due en partie au niveau extrêmement bas des ventes d’Airbus, qui subissent le contrecoup des livraisons exceptionnellement élevées du mois précédent », expliquent les Douanes. Parallèlement, elles notent une hausse « inhabituelle » des importations de produits pharmaceutiques au cours du premier mois de l’année, ainsi que la hausse de la facture énergétique, conséquence de la progression du prix du pétrole. Le creusement du déficit commercial de janvier ne peut donc être extrapolé sur l’année entière.

Toutefois, ce mauvais chiffre fait suite à une année 2016 très médiocre pour le commerce extérieur. Le déficit a augmenté l’an passé. Il a même coûté en termes de croissance l’équivalent de 0,9 point de PIB, ce qui correspond à des centaines de milliers d’emplois. Pourtant, l’euro s’est plutôt déprécié depuis trois ans et la croissance du PIB hexagonal est inférieure à celle de la zone euro, ce qui devrait avoir pour effet de limiter les importations. L’amélioration de la compétitivité est donc devant nous.

« Un problème industriel »

Dans une étude, Patrick Artus, directeur de la recherche de la banque Natixis remarque que le déficit commercial hors énergie de la France se situe surtout vis-à-vis des autres pays de la zone euro et particulièrement l’Allemagne, et de la Chine, « ce qui suggère que la France creuse ses déficits vis-à-vis des pays très industriels ». En 2016, le déficit commercial de l’Hexagone vis-à-vis de la Chine a atteint plus de 30 milliards d’euros tandis que celui vis-à-vis de l’Allemagne a approché 15 milliards. Pour l’économiste, « le centre du problème de commerce extérieur de la France est un problème industriel », celui de coûts production trop élevés vis-à-vis de l’Allemagne, de l’Italie et de l’Espagne.

D’autre part, l’appareil exportateur français garde des faiblesses structurelles importantes. D’abord, il est très concentré et de plus en plus. La part des exportations réalisée par les 100 premières entreprises est passée de 35,3 % en 2007 à 39,6 % en 2016. Et l’aéronautique représentait 13 % des exportations en 2016 – soit 58 milliards d’euros – contre 8 % seulement dix ans auparavant.

Ensuite, le nombre d’exportateurs a du mal à décoller vraiment. Après une progression en 2015, le nombre d’entreprises commercialisant leurs produits à l’étranger a reculé l’an dernier. Environ 124.100 entreprises françaises ont exporté en 2016. C’est moitié moins qu’en Italie et en Allemagne. Et, un sixième de celles-ci sont des primo-exportateurs, c’est-à-dire des sociétés qui n’ont pas exporté au cours des cinq dernières années. « Si ce renouvellement participe à la compétitivité économique, il reflète aussi la vulnérabilité des exportateurs occasionnels, qui s’essayent à l’international sans toujours confirmer cet essai », souligne une étude des Douanes sur le sujet, publiée fin janvier. Ainsi, « le taux de maintien de ces opérateurs novices est très faible : seulement 40 % exportent à nouveau l’année suivante ». Le prochain président aura du pain sur la planche.

Guillaume de Calignon

 

 

LES ECHOS – 09/03/2017

Denis Ferrand : «Au-delà de l’industrie, les services sont désormais en danger»

INTERVIEW – Le directeur général de Coe-Rexecode réagit aux mauvais chiffres du commerce extérieur français diffusés ce mercredi matin.

Comment expliquez-vous l’absence de débat sur la compétitivité dans la campagne présidentielle ?

Le débat est tout de même présent en toile de fond, notamment dans les programmes de François Fillon et d’ Emmanuel Macron . Aucun des deux ne remet en cause les allégements de charges de l’exécutif actuel ni le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (Cice). En revanche, il existe comme une forme de désarroi chez les politiques et une partie de l’électorat au regard de l’absence de résultat immédiat de ce type de mesure en matière de compétitivité.

Rappelons l’objectif fixé fin 2012 par le Premier ministre de l’époque, Jean-Marc Ayrault: avoir une balance commerciale des biens manufacturés à l’équilibre à la fin du quinquennat. On s’en est éloigné depuis avec, en 2016, un solde déficitaire de 36 milliards d’euros.

Il n’y a donc pas eu d’amélioration ?

La réduction du déficit commercial a été freinée récemment par des éléments circonstanciels : le prix des importations est en train de remonter, plus vite que celui des exportations. Ce qui s’explique par la hausse des prix du pétrole, ces derniers sont toutefois stabilisés depuis deux mois. Parallèlement, c’est vrai, les exportations ont connu une légère sous-performance au regard de la hausse de la demande adressée à l’Hexagone l’an passé et début 2017.

Si l’on s’arrête à ce constat, alors il n’y a pas d’amélioration de la compétitivité. Le déficit commercial des biens hors énergie s’est alourdi l’an passé même si une partie de la dégradation provient des mauvaises récoltes et début 2017 par un fort recul des livraisons d’Airbus. Et le solde des services aux entreprises, c’est-à-dire la comptabilité, le conseil ou les services informatiques, traditionnellement excédentaire, est désormais déficitaire. Il y a donc un déplacement de la zone de risque pour la France au-delà de la seule industrie. C’est maintenant le secteur des services qui est en danger, ce qui est inquiétant.

Que faudrait-il faire ?

L’important est de ne pas relâcher l’effort. Dans les faits, il y a des indicateurs qui vont dans le bon sens. Le coût relatif du travail avec l’Allemagne a tendance à baisser, les marges des entreprises françaises ont grimpé ces trois dernières années et l’investissement dans l’industrie a augmenté de près de 5 % l’an passé. Ce sera encore le cas en 2017. Une politique de l’offre met des années à produire ses fruits, comme le montre la désinflation compétitive des années 80. La patience est donc de mise. Il n’est toutefois pas certain que ce mot soit très audible en période électorale.

Guillaume de Calignon

 

::: ENTREPRISES

LE FIGARO – 09/03/2017

La bonne santé des aéroports français repose sur les vols low-cost

Si le trafic augmente, les gestionnaires réclament des baisses de taxe pour améliorer leur compétitivité.

Les 43 aéroports français de métropole (les 15 premiers représentent 89,7 % du trafic) et les 14 situés outre-mer ont vu globalement le trafic augmenter de 3,1 % en 2016, selon les chiffres de l’Union des aéroports français. «C’est moins que la croissance rencontrée de 5,1 % à l’échelle européenne et de 6,7 % pour l’ensemble des pays de l’Union européenne», remarque Jean-Michel Vernhes, le président de l’UAF. L’augmentation du nombre de passagers des compagnies low-cost est le principal moteur de la croissance en France.

D’après l’UAF, la hausse du trafic low-cost contribue à hauteur de 93,6 % à l’augmentation totale du trafic. Désormais, la part des compagnies à bas coût représente 30,20 % de l’activité des aéroports de métropole et 43,3 % pour les aéroports de province. Ainsi, ces dernières occupent 60 % de l’aéroport Nantes-Beauvais, 69 % de celui de Bâle-Mulhouse et 36 % de la plate-forme parisienne d’Orly.

Au-delà des performances en demi-teinte des aéroports français, les adhérents de l’UAF ont voulu profiter du calendrier électoral pour publier un «manifeste» destiné aux candidats aux élections présidentielle et législatives.

Sans surprise, ils réclament une baisse des nombreuses taxes qui se sont empilées au fil des années: la taxe d’aéroport d’abord, qui couvre les coûts de sûreté (le contrôle des bagages et des passagers), la taxe de solidarité ensuite, qui a progressé de 12,7 % en 2014 (dont le dépassement du plafonnement abonde désormais le budget de l’État). «Même si les aéroports constituent de fait un monopole sur leur territoire, rappelle Jean-Michel Vernhes, leurs coûts sont comparés par les compagnies aériennes. Elles choisissent ainsi de desservir ou non tel aéroport et de lui préférer une autre plate-forme européenne parce qu’elle coûtera moins cher.»

Davantage de «connectivité»

L’UAF réclame aussi davantage de «connectivité» pour certains aéroports de province qui veulent obtenir des droits de trafic avec la Chine ou avec les pays du Golfe. Parmi les autres propositions: l’automatisation des contrôles de documents dont l’État n’assure pas le financement des investissements.

Autre impératif, d’actualité alors qu’une grève lancée par un syndicat de contrôleurs aériens perturbe le trafic, l’instauration de la loi Diard pour les contrôleurs aériens. Celle-ci oblige le personnel à se déclarer 48 heures avant la grève pour évaluer l’impact sur le trafic et prévenir les voyageurs à l’avance. Enfin, les professionnels réclament une réflexion sur la spécialisation éventuelle de certains aéroports dont l’activité passagers est insuffisante par rapport à son coût pour l’État et les collectivités.

Valérie Collet

 

 

LES ECHOS – 09/03/2017

Suez met la main sur l’américain GE Water pour 3,2 milliards d’euros

 

Le marché mondial de l’eau industrielle est estimé à 95 milliards d’euros.

Le groupe va accroître la part internationale de son activité et son exposition à la clientèle industrielle.

Suez avait beau être le numéro deux mondial de la gestion de l’eau et des déchets, il restait jusqu’à présent petit sur le créneau de la vente d’équipements aux clients industriels souhaitant se doter d’un traitement des effluents. Le groupe vient de s’y renforcer, en acquérant le fabricant américain d’équipements GE Water. Il a remporté l’appel d’offres lancé en octobre par GE en offrant une valeur d’entreprise de 3,2 milliards d’euros, en consortium avec la Caisse de dépôt et placement du Québec (la CDPQ prend un intérêt de 30 %, contre 70 % pour Suez). Suez rajoute ainsi 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 7.500 personnes aux 500 millions d’euros que son pôle de 2.000 salariés réalisait jusqu’à présent dans la fourniture aux industriels d’équipements et de produits chimiques (pour la maintenance des équipements). A titre de comparaison, Veolia, leader mondial de l’eau et des déchets, y réalise pour sa part en moyenne 2,2 milliards d’euros par an, via sa filiale Water Technologies, pour des clients à la fois municipaux et industriels.

Relais de croissance

Suez s’achète avant tout un relais de croissance, sur un marché mondial de l’eau industrielle estimé à 95 milliards d’euros. « Seuls 5 % % de l’eau mondiale servent à l’alimentation humaine, contre 75 % allant à l’agriculture et 15 % à 20 % à l’industrie : c’est un marché important et qui croît plus vite que d’autres, de 5 % par an, au gré de l’industrialisation des pays émergents », souligne le directeur général du groupe, Jean-Louis Chaussade. GE Water réalisant seulement 20 % de ses ventes en Europe, Suez va aussi voir la part internationale de son chiffre d’affaires bondir à quasiment 40 % et sa proportion de clients industriels (plus rentables que les clients publics) grimper à 38 %. Enfin, le groupe s’achète là une activité générant plus de cash que ses activités traditionnelles de gestion municipale de l’eau et des déchets, car elle n’exige pas d’immobiliser autant de capitaux.

La nouvelle business unit eau industrielle de Suez sera dirigée par l’actuel PDG de GE Water, Heiner Markhoff, dès la transaction finalisée, d’ici à fin juin. Reste à financer l’opération. Les 3,2 milliards d’euros, payés en numéraire, seront versés en partie par la Caisse de dépôt et placement du Québec, mais aussi, côté Suez, via une augmentation de capital de 750 millions d’euros. Suez valant environ 8 milliards en Bourse, les actionnaires qui n’y souscriront pas seront dilués d’un peu moins de 10 %. « Nos principaux actionnaires (Engie, CriteriaCaixa et Caltagirone), qui représentent la moitié du capital, ont déjà confirmé leur intention d’y participer », souligne Jean-Louis Chaussade. Le solde sera financé par dette, dont des obligations « hybrides », ou perpétuelles, présentant l’avantage d’être en partie assimilées par les agences de notation à des fonds propres du fait de leur caractère très long terme. Suez préserve ainsi ses ratios d’endettement, sa notation et escompte de cette acquisition un impact positif sur son bénéfice net par action dès la première année. Reste à surveiller, demain, l’accueil que fera le marché à cette opération que Jean-Louis Chaussade qualifiait, il y a une semaine, de « saut quantique ».

Myriam Chauvot

 

 

LA TRIBUNE – 09/03/2017

SFR signe une perte de 138 millions d’euros en 2016

 

Si l’opérateur perd toujours des abonnés sur l’ensemble de l’année, de l’ordre de 512.000 pour les offres mobiles et 240.000 dans le fixe,

il réussit à redresser la barre dans le fixe entre le troisième et quatrième trimestre, regagnant 136.000 abonnés supplémentaires.

 

Le groupe de télécoms est tombé dans le rouge l’année dernière, alors qu’en 2015, il avait enregistré un bénéfice de 682 millions d’euros.

L’opérateur français SFR, filiale du groupe Altice, a replongé dans le rouge en 2016, enregistrant une perte nette de 138 millions d’euros, contre un bénéfice net de 682 millions d’euros un an plus tôt. Le groupe anticipe une stabilisation de son chiffre d’affaires pour 2017. Sur l’ensemble de l’année écoulée, les ventes ont reculé de 0,4%, à 10,99 milliards d’euros, malgré un retour à la croissance sur le dernier trimestre, sous l’effet du recul combiné de son chiffre d’affaires tant sur le marché grand public que sur le segment des entreprises.

Le dernier trimestre a en revanche été marqué par une hausse de 0,6% des ventes, à 2,89 milliards d’euros, sous l’effet principalement d’une hausse du nombre d’abonnés mobiles par rapport au troisième trimestre, précise l’opérateur mercredi dans un communiqué. En 2016, le groupe a vu son excédent brut d’exploitation (Ebitda) ajusté se replier de 0,6%, à 3,84 milliards d’euros, avec une marge d’Ebitda quasi stable à 34,9%, contre 35% un an plus tôt.

Lourdes pertes d’abonnés

Si l’opérateur perd toujours des abonnés sur l’ensemble de l’année, de l’ordre de 512.000 pour les offres mobiles et 240.000 dans le fixe, il réussit à redresser la barre dans le fixe entre le troisième et quatrième trimestre, regagnant 136.000 abonnés supplémentaires. Au 31 décembre, SFR revendique un total de 14,62 millions d’abonnés mobiles grand public, contre 15,14 millions un an plus tôt, et 6,11 millions d’abonnés fixes, contre 6,53 millions.

L’opérateur annonce par ailleurs une hausse de son revenu moyen par abonné (ARPU), qui passe sur un an de 22,20 euros à 23 euros sur le mobile et de 34,90 euros à 36,90 euros dans le fixe. En terme d’investissement, le groupe annonce une forte hausse en 2016 par rapport à l’exercice précédent, de l’ordre de 24,5%, à 2,31 milliards d’euros, du fait de l’accélération du développement de ses réseaux très haut débit, tant en mobile avec la 4G qu’en fixe avec la fibre. L’endettement de SFR atteint 14,79 milliards d’euros, ce qui représente un ratio d’endettement de 3,8 fois l’Ebitda ajusté, précise par ailleurs le groupe.

 

 

::: POLITIQUE

L’OPINION – 09/03/2017

Ralliements: Macron tente de ne pas perdre l’équilibre

Après l’alliance avec François Bayrou, Emmanuel Macron enregistre le renfort de Bertrand Delanoë, resté très populaire. Le candidat gère ces soutiens avec habileté, afin de garder une position centrale sur l’échiquier et de conserver le positionnement « hors parti »

Avec le soutien de Bertrand Delanoë, ancien maire PS de Paris, Emmanuel Macron a enregistré mercredi un nouveau ralliement de poids, qui pourrait en annoncer d’autres, en provenance du PS notamment, où la campagne menée par Benoît Hamon peine à convaincre.

La start-up Macron a encore gagné des parts de marché. Elle a enregistré, mercredi, le soutien de Bertrand Delanoë. L’effet de surprise était certes un peu émoussé : voilà plusieurs mois que l’on savait les deux hommes en contact. Mais, à 45 jours de l’élection présidentielle, l’effet de souffle n’en est pas moins réel. « Cela va libérer beaucoup de socialistes, car Bertrand Delanoë a une autorité morale », prédit le sénateur PS Roger Madec, qui a apporté dans la foulée son soutien au candidat Macron.

L’appui a d’autant plus de poids que l’ancien maire de Paris, en bon jospiniste, a ciselé ses formules et dosé l’argumentation. Emmanuel Macron est « le candidat qui se rapproche le plus de mes convictions de socialiste, réformiste, Européen, réaliste », a-t-il expliqué, qualifiant en revanche le programme de Benoît Hamon de « dangereux, parce qu’il ne rassemble pas la gauche et parce qu’il n’est philosophiquement, dans le rapport au travail, dans le rapport à l’Europe […], pas en mesure de produire du progrès social ». « Je préfère mon pays à mon parti », a-t-il aussi avancé, après avoir évoqué le « danger majeur » que représente le FN. Pour autant, « il y a beaucoup de mesures qui ne sont peut-être pas aussi à gauche que je voudrais chez Emmanuel Macron, a poursuivi Bertrand Delanoë. Sauf que lui, il se donne les moyens de les réaliser… »

Une façon de placer l’ancien ministre de l’Economie dans le camp de ceux qui, comme il l’a fait dans la capitale, se donnent les moyens de « changer la vie », par opposition à ceux qui, à gauche, préfèrent les « discours de congrès », qui ne « font pas baisser le chômage ».

«Très honoré». L’accueil réservé par Emmanuel Macron à Bertrand Delanoë est à la hauteur de la sensation provoquée par ce ralliement dans le Landerneau : le candidat s’est dit « très honoré », « très satisfait » de ce soutien, assurant avoir « beaucoup d’estime à la fois pour ce que Bertrand Delanoë a fait en tant qu’élu et pour les positions qu’il a constamment prises ».

Après François Bayrou, Bertrand Delanoë est la deuxième personnalité politique d’envergure négligée par François Hollande durant le quinquennat, qu’Emmanuel Macron parvient à séduire.

En marge d’un déplacement aux Mureaux (Yvelines), l’ancien ministre de l’Economie, qui ne peut guère s’appuyer sur un parti centenaire et structuré pour construire la force progressiste qui doit lui permettre de diriger le pays, se définissait mardi comme un « centimier de la conviction », allant chercher « un à un » ses soutiens, jusqu’à parvenir à « 51 % des Français ». « Il fait un travail de dentelle », appuie un membre de son équipe. Sa force de conviction, mais aussi un patient réseautage entamé il y a de longs mois, lui permettent aujourd’hui d’engranger un à un ces soutiens individuels. « Il est venu à l’anniversaire de ma compagne avec son épouse il y a dix-huit mois, puis nous avons dîné plusieurs fois en couples depuis, raconte l’un de ces ralliés récents, évidemment séduit. Je ne le connaissais pas auparavant ».

Emmanuel Macron cherche les soutiens emblématiques qui lestent sa candidature et, aux yeux de l’opinion, comblent son manque d’expérience. « Mais il est suffisamment prudent pour ne pas mettre la pression sur quiconque », observe l’un de ses supporters.

Avec un défi de taille toutefois, pour celui qui se définit comme un « homme de gauche », qui a été secrétaire général adjoint de l’Elysée, puis ministre de l’Economie de François Hollande : ne pas apparaître comme socialiste. « Il cherche toujours un équilibre entre les soutiens de gauche et les soutiens de droite », affirme l’un des édiles PS qui l’ont rallié.

« Sa candidature n’est pas centriste mais centrale, ajoute un ancien ministre chiraquien l’ayant rejoint. Au début, notre embarcation avait un penchant à bâbord assez net, avec des cadres venus de la gauche. Depuis, le capitaine a rééquilibré ».

File d’attente. Alors que certains ministres (Jean-Yves Le Drian, Ségolène Royal, Jean-Marc Ayrault, Patrick Kanner, Juliette Méadel…) et certaines sensibilités du PS (hollandais, vallsistes, réformateurs…), rassurés par la présentation du programme d’Emmanuel Macron jeudi dernier et guère convaincus par la campagne de Benoît Hamon, envisagent d’annoncer à leur tour leur soutien à leur ancien collègue, l’entourage du candidat les prie de prendre la file d’attente et de patienter. « Ils nous demandent de respecter son calendrier à lui, car Macron doit tenir les deux bouts de l’omelette », affirme l’un de ces élus prêts à franchir le pas.

Surtout, là où les socialistes tentés de soutenir Emmanuel Macron pensent, en restant groupés, pouvoir négocier les investitures aux législatives avec l’éventuel homme fort de la présidentielle, l’entourage du candidat fait passer un message de nature à les décourager : « Il n’y aura pas de négociation d’appareil, ni avec telle ou telle sensibilité, promet un proche d’Emmanuel Macron. Si on se remettait dans cette géographie-là, ça ne marcherait pas. L’ADN de notre mouvement, c’est au contraire de faire sauter les vassalités ». « Il en va de la crédibilité d’Emmanuel », complète un autre membre de l’équipe.

Pourtant, Emmanuel Macron, qui prétend présenter aux élections législatives « un tiers de candidats venus de la société civile, un tiers de la gauche, et un tiers du centre et de la droite », va devoir organiser sa future majorité. « Cela ne pourra pas être qu’une addition d’individus », admet un membre de son équipe. « Nous distinguerons les élus qui auront résisté aux pressions des appareils, qui auront été forts et auront eu du courage », précise l’entourage d’Emmanuel Macron. Voilà les nouveaux convertis prévenus.

Nathalie Segaunes

 

 

LE MONDE – 09/03/2017

Benoît Hamon : « Mon objectif en Europe : mettre l’austérité en minorité »

« Partout en Europe, ce sont les politiques libérales et dérégulatrices qui font monter le FN », estime Benoît Hamon dans un entretien au « Monde ».

Rebondir par l’Europe… Benoît Hamon livre en exclusivité au Monde son projet d’un nouveau traité budgétaire européen. Pour sortir de la crise de l’Union, le candidat socialiste, invité jeudi 9 mars de « L’Emission politique » sur France 2, propose la mise en place d’une Assemblée démocratique de la zone euro. Il détaille également le contour exact de sa proposition phare d’un revenu universel d’existence, et revient sur la situation politique. Jeudi, il devait rencontrer le premier ministre, Bernard Cazeneuve, à six semaines du premier tour de l’élection présidentielle.

Vous proposez un nouveau traité budgétaire européen, avec pour principale innovation la création d’une Assemblée parlementaire de la zone euro, censée selon vous permettre une réorientation de l’Europe. Comment comptez-vous vous y prendre ?

Benoît Hamon : L’Europe aujourd’hui ne marche pas. Elle ne parvient pas à neutraliser les outrages de la mondialisation. Elle se livre à une forme de fuite en avant, considérant que la prospérité en Europe ne peut nécessairement passer que par l’austérité à l’intérieur de l’Union et par le libre-échange absolu sur tous les sujets à l’extérieur. Cette vision de l’Europe est en train de fabriquer sa perte. Partout sur le continent, on constate la montée des nationalismes et des extrêmes droites, qui ne peuvent nous mener qu’au pire.

Face à un tel défi, la solution ne peut pas être le repli dans l’âge canonique des Etats-nations, tel que le propose Marine Le Pen, qui prépare à terme la désagrégation de l’Europe et de la France, ni le maintien dans l’épure actuelle du projet européen et de ses institutions. Si l’austérité s’est imposée comme la marque de fabrique de l’Union européenne, c’est d’abord parce qu’il n’y a pas assez de démocratie en Europe. La confiscation des décisions fondamentales par la « troïka », organisée autour de l’Eurogroupe, de la Banque centrale européenne et de la Commission européenne, est la conséquence d’un vrai déficit démocratique en Europe.

Comment casser cette logique ?

Je propose aux Etats membres de la zone euro un traité budgétaire qui prévoit la mise en place d’une Assemblée démocratique représentative, qui serait principalement l’émanation des Parlements nationaux. On ne peut pas en rester à la situation actuelle, où la réunion des ministres des finances de la zone euro et ses décisions échappent totalement au contrôle des traités, des Parlements et des citoyens européens. Cette nouvelle Assemblée de la zone euro aurait pour mission de débattre publiquement et de décider du budget de la zone euro, mais aussi des politiques d’harmonisation fiscale et sociale, des cibles à adopter dans la réduction des déficits, etc. Elle fixerait par exemple le taux minimum de l’impôt sur les sociétés en Europe.

En quoi cela changerait-il le rapport de force politique actuel en Europe ?

Si l’on projette ce Parlement sur la base des Parlements nationaux actuels, il pencherait plutôt à gauche. Avec l’économiste Thomas Piketty, qui a travaillé avec moi sur ce projet de traité, nous imaginons une Assemblée composée au maximum de 400 membres, principalement des députés, désignés selon le poids démographique et économique de chaque pays membre, et complétée de représentants du Parlement européen. Cette Assemblée serait donc équilibrée et, surtout, elle serait l’incarnation de la démocratie directe, puisqu’elle serait en lien avec les Parlements nationaux qui votent les lois de finance.

Face aux discours qui réclament moins d’Europe, vous répondez donc en proposant plus d’Europe ?

Oui, car si on arrête de pédaler, on tombe du vélo. Je considère que la clé européenne est démocratique : si on redonne une transparence et une légitimité aux choix faits par les institutions européennes, les citoyens auront le sentiment d’être mieux entendus et l’Europe sera mieux comprise. Mon objectif avec cette Assemblée démocratique est de mettre l’austérité en minorité.

Mais tout cela prendra du temps…

C’est pour cela qu’il vaut mieux commencer tôt à en débattre. J’ai transmis mon projet ce jeudi au président de la Commission européenne, au commissaire européen à l’économie, Pierre Moscovici, aux chefs d’Etat européens et aux principaux partis politiques de gauche, et à la presse européenne. C’est une base de discussion, amendable, mais qui pose enfin un pas démocratique original et nouveau. Jusqu’à présent, la stabilisation financière et la confiance des marchés ont toujours primé sur la croissance, l’emploi et la confiance dans le projet européen. Cela ne peut pas continuer. Car le lien est évident entre ces politiques et le rejet de l’Europe.

Je veux faire primer la transparence démocratique et la légitimité parlementaire. En attendant ce changement majeur, j’ai prévu une feuille de route de sortie de crise qui permet d’agir dans le cadre actuel, notamment pour réduire la pression de la règle des 3 %, par exemple en déduisant les dépenses de défense et d’accueil des migrants du calcul des déficits.

Mais mon projet de traité est couplé à deux autres questions fondamentales : l’énergie et la défense. Je propose parallèlement un traité de transition énergétique à l’échelle européenne, pour mettre en place un plan d’investissements de 1 000 milliards d’euros. L’actuel plan Juncker n’est que trop partiellement utilisé pour les questions écologiques, et il ne finance que des projets immédiatement rentables, quand les énergies renouvelables demandent du temps avant de le devenir.

L’autre pilier est la défense européenne. Le président de la République l’a évoquée au sommet de Versailles. C’est un impératif fondamental, étant donné que les Etats-Unis se désengagent manifestement de l’Europe pour se tourner vers l’Asie, et compte tenu de l’instabilité créée par la présidence Trump et les positions que le nouveau président américain pourrait prendre vis-à-vis de la Russie. Tout cela exige qu’on resserre les rangs européens. Moins d’Amérique appelle plus d’Europe.

La force de la France en matière de défense est qu’elle dispose d’un outil complet : la dissuasion nucléaire, les forces conventionnelles terrestres, navales et aériennes, plus la capacité de projection de ses forces sur des théâtres extérieurs.

Que pensez-vous de l’Europe à la carte proposée par François Hollande ?

Je suis d’accord avec l’idée selon laquelle on ne peut plus être tributaire de la feuille de route d’Etats européens qui n’ont que le désir d’un marché commun européen, mais pas d’une ambition politique et démocratique commune. L’Europe à deux vitesses existe déjà, cela s’appelle la zone euro. C’est la raison pour laquelle je pense qu’il faut maintenant accélérer.

Comment convaincre l’Allemagne, qui risque d’être opposée à votre projet ? On imagine également que d’autres pays, comme ceux d’Europe de l’Est ou le Luxembourg, ne seront pas non plus très enthousiastes…

C’est vrai, une grande partie de la clé de ce futur débat est à Berlin. Mais, sur toutes ces questions, l’Allemagne n’est pas un bloc homogène. J’ai l’intention de rencontrer Martin Schulz à Berlin, fin mars, pour en discuter avec lui. Dans son pays, le candidat du SPD veut construire une future coalition avec une majorité de gauche plus disponible sur ces sujets. En 2012, il n’y avait pas encore la perception suffisamment mûre des dangers auxquels s’expose l’Union européenne. Mais depuis, il y a eu la crise grecque, le Brexit, la montée des nationalismes en Europe, la crise des migrants et la démonstration que l’Union est devenue une somme d’égoïsmes nationaux.

Tout cela modifie la perception de l’Allemagne. Les Allemands veulent aussi relancer le projet européen dans la zone euro. Il faut nous entendre désormais sur le « comment ? ». Une grande démocratie comme l’Allemagne ne peut pas refuser le débat démocratique que je propose, ce serait prendre une responsabilité immense vis-à-vis des échecs à venir. Je suis persuadé que l’Allemagne est prête à cette discussion.

Mais si la réponse est non, êtes-vous prêt à soumettre à un référendum la question du maintien de la France dans l’Union européenne ?

Cela ne se passera pas comme ça, on ne pourra pas dire non et on rentre à la maison. Quoi qu’il arrive, je reprendrai toujours mon bâton de pèlerin pour trouver des solutions. Il n’y aurait aucun bénéfice pour la France à sortir de l’Europe, mais y rester dans l’état actuel des institutions ne peut que nous préparer collectivement à un futur sinistre.

En quoi votre proposition vous différencie-t-elle de celles d’Emmanuel Macron et de Jean-Luc Mélenchon sur l’Europe ?

J’ai davantage confiance que Jean-Luc Mélenchon dans l’avenir du projet européen, je ne crois pas que cette belle histoire soit finie. Lui met la barre tellement haut que son plan B et la sortie de la France de l’Union apparaissent comme la seule hypothèse sérieuse. Moi aussi, je mets la barre très haut, mais elle est haute par l’ambition, pas par la menace. Je veux réussir à parler d’Europe sous une autre forme que celle d’un dangereux chiffon rouge qu’on agite dans tous les sens.

Quant à Emmanuel Macron, il ne rompt pas avec la nature actuelle de la politique européenne. Il est dans la perpétuation de ce qui existe déjà et qui ne marche pas. Je ne vois pas en quoi les aménagements qu’il propose sont de nature à changer la réalité des politiques européennes et la perception que les populations en ont.

Par exemple, je souhaite qu’on hisse au niveau européen le niveau de protection français contre les perturbateurs endocriniens. C’est un domaine sur lequel il ne faudra surtout pas baisser la garde. Que dit Emmanuel Macron sur ce point ? De qui est-il le plus proche ? Des grands lobbies de l’industrie pétrochimique qui fabriquent du doute contre la réalité de ces dangers, ou de ceux qui veulent protéger les populations ? Il offre à ses puissants interlocuteurs ce qu’ils demandent, il aligne son agenda politique sur l’agenda de ces grands groupes.

Sur vos propositions économiques, comptez-vous faire évoluer votre revenu universel d’existence (RUE) en y accolant une augmentation des bas salaires ?

Le revenu universel est à la fois une mesure de pouvoir d’achat pour ceux qui travaillent, un dispositif de lutte contre la pauvreté et un moyen de maîtriser les transitions de plus en plus fréquentes dans les carrières professionnelles. J’ai toujours parlé d’un processus par étapes. La première automatisera le versement d’un RSA, dénommé désormais revenu universel, revalorisé à 600 euros pour tous les Français pauvres. Avec les économistes qui m’accompagnent, nous avons élaboré un scénario qui permet d’étendre le bénéfice du RUE à tous les travailleurs, quel que soit leur statut, salarié ou indépendant, dès le 1er janvier 2018.

Tout travailleur qui perçoit un salaire net jusqu’à 1,9 smic mensuel constatera une augmentation significative sur sa fiche de paie. Ainsi, une personne au smic qui perçoit 1 150 euros net mensuels gagnera désormais 1 350 euros, sans augmentation du salaire brut. Et plus largement une majorité de travailleurs, salariés ou non, et pas uniquement les bas salaires, ainsi que les jeunes de 18 à 25 ans, quel que soit leur statut, bénéficieront d’une autonomie nouvelle et d’un gain net de pouvoir d’achat, ce qui permettra de relancer l’économie.

Quel sera le coût de ce dispositif ?

Autour de 35 milliards d’euros, au bénéfice d’un soutien nécessaire au pouvoir d’achat, à la lutte contre la pauvreté et pour accompagner les mutations du travail. Et pour l’étape suivante, la généralisation du RUE à tous et son augmentation de 600 à 750 euros, comme je l’ai indiqué dès l’origine, c’est une conférence sociale qui préparera ces décisions, en s’appuyant sur les bénéfices constatés lors de la première étape et en fonction de la trajectoire des finances publiques.

Dans votre livre « Pour la génération qui vient » (Equateurs, 125 p., 9 €), qui paraît jeudi 9 mars, vous vous inscrivez dans la lignée de l’Américain Bernie Sanders, de Podemos en Espagne ou d’Alexis Tsipras, qui, soit ont échoué à conquérir le pouvoir, soit n’ont pas pu appliquer leur programme anti-austérité, comme en Grèce. Pourquoi échapperiez-vous à cette malédiction ?

La question, c’est le degré de maturité des peuples pour engager ces changements. Je constate que les projets dans lesquels nous nous reconnaissons progressent partout. Ce qui se passe en Allemagne est significatif : le fait que Martin Schulz puisse s’allier avec Die Linke, dont le SPD ne voulait pas entendre parler avant, montre une évolution de la gauche européenne. Les social-démocraties, quand elles gouvernent sur des bases très libérales, sont confrontées à l’impasse de leurs choix et perdent les élections partout. Dernière victime en date : Matteo Renzi en Italie. En France, le résultat de la primaire à gauche a fait écho à ce qui se passe en Europe. Les Français sont-ils mûrs pour faire confiance à cette gauche nouvelle à la présidentielle ? Je le crois. Je le vois. La leçon de Tsipras, c’est qu’il faut constituer une alliance de tous les progressistes européens, c’est ce que je prépare.

Comment expliquez-vous alors qu’Emmanuel Macron, qui s’inscrit dans une gauche plus libérale, fasse la course en tête dans les sondages ?

Il réunit une partie de la droite et de la gauche dans un projet qui ne propose pas de remettre en cause l’ordre des choses, la distribution des rôles dans la société. Il apparaît, en outre, aux yeux de beaucoup, comme un vote utile pour éviter Marine Le Pen. Mais je m’inscris en faux contre cette analyse : je pense au contraire que, partout en Europe, ce sont les politiques libérales et dérégulatrices qui font monter le FN. Non seulement le vote Macron est inefficace pour faire baisser le FN, mais je pense même qu’il peut être un accélérateur. Qui ne voit pas le parallèle avec le face à face Clinton-Trump ? Il faut une ligne claire et un projet global et puissant pour battre le FN. Partout l’indifférenciation gauche-droite fabrique des courants nationalistes à vocation majoritaire. Je ne me résous pas à cette issue tragique pour la France.

Bertrand Delanoë a annoncé mercredi son ralliement à Emmanuel Macron. D’autres poids lourds du PS devraient le suivre…

J’y vois une forme de renoncement. Jusqu’ici, j’ai fait sans eux. Maintenant, ils décident d’être contre moi. Je trouve surtout curieux pour des sociaux-démocrates de rallier un projet qui est tout sauf social, et de faire une croix sur l’acte démocratique qu’a constitué le vote du peuple de gauche en ma faveur à la primaire. En même temps, je préfère me réjouir d’avoir le soutien de l’actuelle maire de Paris, Anne Hidalgo, ou de plusieurs maires de grandes villes, comme celles de Rennes, Nantes ou Lille…

Ces socialistes tentés par Macron vous reprochent d’avoir davantage cherché à rassembler les gauches que le centre de gravité du PS…

Mon rôle est de m’adresser à tout le monde ! Je dois convaincre à la fois les électeurs de Jean-Luc Mélenchon et les électeurs de gauche tentés par Emmanuel Macron. Ma centralité à gauche me met en situation de le faire. En fait, cette critique est un prétexte pour justifier de remettre en cause le serment de la primaire, c’est-à-dire de soutenir celui que les électeurs ont choisi. Et ils l’ont fait sur un projet. J’ai fait des gestes d’ouverture, et beaucoup de ceux qui ne me soutenaient pas hier travaillent à mes côtés. Alors, j’entends encore des ministres déclarer attendre des « preuves d’amour ». Qu’est-ce que ça veut dire ? On demanderait à un candidat à la présidentielle de s’adresser moins aux Français et plus aux ministres ? Ce n’est pas à la hauteur d’une élection où le FN menace de faire main basse sur la République.

Vous avez du mal à être audible dans ce début de campagne. Est-ce pourquoi vous changez de stratégie en présentant, la semaine prochaine, votre programme global ?

Nous avons perdu du temps et de l’attention médiatique pendant l’affaire Fillon. Nous devons donc nous faire entendre fortement. Pour le reste, s’il n’est pas question d’abandonner les idées que j’ai défendues pendant la primaire, je vais enrichir encore mon projet. Jusqu’ici j’ai parlé aux Français d’un futur désirable. Je vais leur démontrer que c’est aussi un futur possible.

Propos recueillis par Solenn de Royer et Bastien Bonnefous

 

 

LES ECHOS – 09/03/2017

Présidentielle : les candidats prédisent aux élus locaux réforme et rigueur

 

Les candidats à la présidentielle ont détaillé leur programme pour les collectivités territoriales.

Cinq candidats à la présidentielle ont été auditionnés ce mercredi par l’Assemblée des départements de France. Ils ont détaillé leur programme pour les collectivités territoriales.

Pas de répit pour les collectivités locales lors du prochain quinquennat. C’est ce qui ressort des auditions, ce mercredi, de cinq « grands » candidats à la présidentielle devant l’Assemblée des départements de France. Depuis des mois, les élus locaux demandent pourtant une stabilisation des institutions après les quatre lois votées sous la présidence de François Hollande. Les candidats ont certes promis la fin du « big-bang » ou des « shadoks », pour reprendre leurs termes. Mais les institutions locales vivront nécessairement de nouvelles turbulences fortes si on les écoute.

Fillon : 7,5 milliards d’économies

« Il y aurait encore bien des réformes institutionnelles à mener mais elles dépensent trop d’énergie, ce sera pour mon successeur. Ma priorité, c’est la relance économique » a promis François Fillon. Le candidat de la droite à l’Elysée a aussi répondu à la demande d’une plus grande liberté des élus locaux. Les régions qui le souhaitent pourront installer le conseiller territorial, c’est-à-dire la fusion de leurs assemblées délibérantes avec celles de leurs départements. Une réforme votée sous Nicolas Sarkozy mais abrogée par la gauche.

« Des départements pourront fusionner s’ils le souhaitent » a-t-il lancé, en regardant le président des Hauts-de-Seine, Patrick Devedjan, qui espère se rapprocher des Yvelines.

François Fillon a chiffré pour la première fois le tour de vis budgétaire qu’il imposera aux collectivités : un montant annuel de 7,5 milliards d’euros à l’issue du quinquennat. C’est moins que les 10 milliards de baisse des dotations du mandat qui s’achève mais cette nouvelle cure d’austérité imposera des décisions musclées des élus locaux, même si le candidat LR leur promet comme anti-douleur de les associer aux décisions. D’autant qu’ils absorberont une portion importante de sa suppression de 500.000 postes de fonctionnaires qu’il prévoit et devront porter le temps de travail de leurs agents à 39 heures par semaine.

Macron : la fin des départements du Grand Paris

Le candidat d’En Marche à l’Elysée a promis ce mercredi un pacte quinquennal et une conférence semestrielle avec les élus locaux. Mais il a confirmé 10 milliards d’euros d’économies et la conversion de la taxe d’habitation en une compensation d’Etat, réduisant l’autonomie fiscale des collectivités.

Il s’est aussi engagé à approfondir la métropolisation du pays en supprimant un quart des départements. Gérard Collomb, maire de Lyon , a précisé aux « Echos » que les huit départements du Grand Paris seront fondus dans la métropole, si Emmanuel Macron entre à l’Elysée. D’autres grandes agglomérations pourraient absorber leurs départements. Emmanuel Macron anticipe des fusions entre conseils départementaux. A contrario, là où aucune grande ville n’existe, c’est le département qui pourrait prendre les compétences de métropole. Enfin, Emmanuel Macron a confirmé son intention de recentraliser le financement du RSA.

Hamon : le RSA nationalisé

Benoît Hamon a promis de ne plus baisser les dotations des collectivités et de signer lui aussi un pacte avec les élus locaux. Le candidat du PS à la présidentielle a toutefois prévenu qu’il dépouillera les départements du RSA qui sera revalorisé de 600 euros début 2018. C’est l’une de leurs principales compétences, mais aussi un lourd fardeau financier. Il a toutefois annoncé de nouveaux transferts de compétences de l’Etat, par exemple la décentralisation du pouvoir sur les énergies renouvelables.

Le Pen, Mélenchon et Dupont-Aignan suppriment les régions

David Rachline qui représentait Marine Le Pen , le sénateur Pierre-Yves Colombat, envoyé par Jean-Luc Mélenchon , ou encore Nicolas Dupont-Aignan ont, eux, dénoncé la course au gigantisme que représentent la métropolisation et les grandes régions. Le premier a promis la suppression des conseils régionaux et le transfert de leurs compétences (transport à l’Etat par exemple ou les lycées aux départements). Le second a enterré aussi les régions et assuré que son candidat rétablira la clause de compétence générale. Nicolas Dupont-Aignan donnera, lui, le pouvoir territorial aux départements dont les représentants et ceux de l’Etat piloteront les grandes décisions au niveau régional.

Matthieu Quiret

 

 

LE FIGARO – 09/03/2017

Départements : comment les élus taillent dans leurs dépenses pour boucler leur budget

ENQUÊTE – L’équation à laquelle doivent faire face les départements, pour difficile qu’elle soit, n’est pas insoluble. Mais ces contraintes ne laissent guère de choix : il faut faire des économies.

Honorer les dépenses, croissantes mais obligatoires, de RSA et d’aide aux personnes âgées. Subir, depuis quatre ans, la baisse des dotations de l’État dans le cadre du plan d’économies. Continuer à investir. Le tout, sans augmenter trop les impôts locaux ni alourdir la dette. L’équation à laquelle doivent faire face les départements, pour difficile qu’elle soit, n’est pas insoluble. Mais ces contraintes ne laissent guère de choix: il faut faire des économies.

Certaines paraissent évidentes. Depuis 2014, le Rhône a vendu ses grosses cylindrées pour les remplacer, en partie, par des voitures électriques. Le département s’est aussi séparé d’un petit château qui hébergeait auparavant des colonies de vacances. Le Puy-de-Dôme et l’Eure ont pour leur part «écrêté» les réserves financières «pléthoriques» de certains collèges. Les Bouches-du-Rhône ont coupé d’un tiers les budgets communication et réception…

Au-delà des coupes évidentes par temps de crise, les exécutifs départementaux ont aussi fait des choix. «Nous avons demandé deux choses à tous nos services: quelles économies sont possibles? Jusqu’où peut-on, légalement, réduire les dépenses?, témoigne Gilbert Favreau, le président LR des Deux-Sèvres, reprenant une approche partagée par de nombreux départements en difficulté. Ensuite, nous avons fait des arbitrages.» Résultat? L’équipe de quinze personnes chargées de l’apprentissage des nouvelles technologies auprès des résidants des maisons de retraite a été supprimée…

Sébastien Lecornu, président LR du conseil départemental de l’Eure, a cherché lui aussi à «clarifier ce qui relevait vraiment de nos compétences». Il a ainsi supprimé les bourses aux lycéens (qui continuent de toucher l’aide des régions), mais pas aux collégiens. En Seine-Maritime, les nombreux «satellites» de la collectivité en matière de développement économique et de tourisme ont été fusionnés en une seule structure, générant 300.000 euros d’économies pérennes.

Les dépenses relevant strictement de la compétence des départements n’ont pas échappé non plus aux coupes budgétaires. Dans le Puy-de-Dôme, les services de la voirie ont dû s’accommoder d’une baisse de 5 % de leurs moyens de fonctionnement. Un budget carrément amputé d’un cinquième dans les Deux-Sèvres. Si la collectivité n’a «pas chipoté» sur les moyens alloués aux grands axes, elle a en revanche dépensé moins pour le réseau secondaire, en réduisant la fréquence des fauchages des bas-côtés.

Heureusement, les économies réalisées peuvent aussi passer par des réformes locales structurelles. «À mon arrivée, j’avais deux garages sur les bras: l’un peignait les véhicules des pompiers en rouge, l’autre les camions de l’entretien des routes en orange, rapporte sans rire Sébastien Lecornu. J’ai fusionné les deux.» Autre levier: la masse salariale. Le Puy-de-Dôme prévoit de supprimer cette année 80 postes sur les 1500 de la collectivité, en ne remplaçant qu’un départ à la retraite sur deux.

Certaines collectivités ont des marges de manœuvre en matière… de temps de travail. La preuve? Les agents des Deux-Sèvres travaillaient 45 heures de moins par an – soit une grosse semaine – que la durée légale fixée à 1 607 heures. Une simple remise à niveau a ainsi permis de supprimer… 30 postes l’année dernière.

Reste la question sensible des dépenses sociales. Revenu de solidarité active (RSA), allocation personnalisée d’autonomie (APA), prestation de compensation du handicap (PCH)… ces aides explosent avec la crise qui n’en finit pas et le vieillissement de la population. Les critères d’attribution et les montants relevant de l’État, la part de la facture échouant aux départements ne cesse elle aussi, malgré eux, de s’alourdir. Toutes les collectivités ne se résignent cependant pas à laisser filer ces dépenses qui représentent, en moyenne, 60 % de leur budget. Le Puy-de-Dôme, dont les charges liées à l’APA sont plus conséquentes qu’ailleurs, a fait baisser de 8 % son budget dépendance. Comment? En réduisant le nombre d’heures de service à domicile pour les seniors les moins dépendants. «Nous étions relativement généreux et les bénéficiaires n’utilisaient pas tous leurs crédits», explique Jean-Yves Gouttebel, le président PRG du département. Même politique dans le Rhône, où la dépense moyenne par bénéficiaire a été réduite de… 31 % entre 2014 et 2016!

Lutte contre la fraude

Et puis il y a le RSA. Certes, les départements n’ont pas la main sur cette prestation mais ils ont en charge la politique de réinsertion des allocataires et la lutte contre la fraude. Activant ces deux leviers, les Bouches-du-Rhône ont réussi à diminuer de 6000 le nombre d’allocataires en 2016, à 96.000. «Nous avons augmenté la fréquence des convocations pour recherche d’emploi et nous nous sommes efforcés de suspendre les aides après deux lapins à ces rendez-vous», détaille Didier Réault, le vice-président LR en charge des finances. En parallèle, la collectivité a créé «l’Accélérateur de l’emploi», des rencontres entre allocataires et recruteurs. Elle n’est pas la seule, de nombreux départements ont mis en place des dispositifs de ce type. Tablant aussi sur une conjoncture moins dégradée, les Bouches-du-Rhône visent une baisse des dépenses de RSA de 16 à 20 millions d’euros en 2017, sur une dépense de 440 millions.

Pour diminuer quelque peu la facture, certains départements s’appuient aussi sur le «plan 500.000 formations» pour les chômeurs, mis en place en 2016 sous l’impulsion de François Hollande. Certains exécutifs se rapprochent en effet des régions, qui ont en charge le dispositif, pour «pré-flécher» leurs allocataires du RSA vers les formations proposées. Un accord gagnant-gagnant, la région remplissant ses objectifs de mise en formation et le département, ne versant plus le RSA aux allocataires qui suivent une formation et sont rémunérés (le plus souvent à un niveau supérieur) à ce titre.

Ces mesures, aussi utiles ou inventives soient-elles, ne suffisent toutefois pas à combler le trou de plus en plus béant des finances sociales locales.

Guillaume Guichard  

 

::: INTERNATIONAL

LIBERATION – 09/03/2017

WikiLeaks : CIA, des yeux derrière l’écran

Regroupés sous le nom de «Vault 7», plusieurs milliers de documents de l’agence de renseignement américaine ont été mis en ligne. Ils révèlent un arsenal d’outils créés pour espionner les citoyens, notamment via les objets connectés.

«Année zéro.» WikiLeaks promet d’ouvrir une nouvelle ère avec la publication, entamée mardi, de milliers de document de la CIA, le principal service de renseignement extérieur américain. Déjà 8 761 fichiers, aux niveaux de classification divers (non-classifiés, secret, top secret), sont accessibles sur le site de l’organisation. Tous, datés de 2012 à 2016, documentent les capacités de piratage et d’espionnage numérique de la célèbre agence de Langley, en Virginie. Une division est entièrement dédiée à ces activités, le Centre pour le cyberrenseignement (CCI), qui a ouvert une antenne secrète dans le consulat américain de Francfort pour les opérations en Europe, aux Etats-Unis et en Afrique. D’autres documents suivront, promet l’organisation de Julian Assange, qui a baptisé l’opération «Vault 7». Passage en revue des cyber-dessous de la CIA.

Les agences américaines sont-elles des passoires ?

C’est au moins la troisième fuite d’ampleur d’informations secrètes américaines en quelques années. Il y avait eu les «War Logs» sur les guerres en Irak et en Afghanistan des Etats-Unis, des milliers de documents de l’armée fournis par Bradley Manning (devenu depuis Chelsea Manning). Puis les révélations d’Edward Snowden sur la surveillance tentaculaire de la National Security Agency (NSA). C’est au tour de la CIA de se retrouver déshabillée sur Internet. Le nombre de personnes détenant des informations classifiées est l’un des facteurs expliquant cette propension à voir ses secrets exposés sur la place publique. Aux Etats-Unis, une personne sur 71 est habilitée, contre une sur 160 en France. Mais surtout, environ 30 % des habilitations «top secret» sont données à des sous-traitants privés, à l’instar de Snowden qui travaillait pour Booz Allen Hamilton, un géant du complexe militaro-industriel américain sous contrat avec la NSA. Après ces révélations, les officiels français n’avaient pas manqué d’y voir une validation du modèle hexagonal : pas (ou très peu) de sous-traitants sur les affaires les plus sensibles, pas (ou moins) de risque de fuites.

Les télés Samsung nous écoutent-elles ?

Les objets dits intelligents sont de grands bavards. La CIA en offre une nouvelle illustration avec son programme baptisé «Weeping Angel». Les télévisions dernières générations de Samsung comprennent un micro pour contrôler par la voix sa TV – comme Siri pour les iPhones ou Google Now pour Android. Avec Weeping Angel, la CIA parvient à pirater les télévisions pour écouter ce qui se dit, évidemment aux dépens de l’utilisateur qui n’y voit que du feu : la télé a l’air d’être en veille. Le mode opératoire du piratage n’est pas clair, mais les documents indiquent qu’une clé USB infectée doit être branchée au téléviseur. Autant dire que toutes les Samsung ne sont pas reliées à la CIA. Comme le souligne The Intercept, le média créé par les journalistes ayant révélé les documents Snowden, Weeping Angel est la dernière illustration de l’appétit des espions pour tout objet connecté. L’année dernière, le big boss du renseignement américain, James Clapper, l’avait dit sans fard devant le Sénat : «A l’avenir, les services de renseignement pourraient utiliser [l’Internet des objets] pour l’identification, la surveillance, le suivi, la géolocalisation, pour cibler le recrutement, ou pour accéder à des réseaux ou des identifiants d’un utilisateur.»

Les applications de messagerie chiffrées sont-elles piratables ?

Une phrase de la prose introductive de WikiLeaks a créé une vaguelette de panique : les applications de messagerie réputées fiables et robustes seraient piratables. C’est une lecture un peu rapide de l’analyse faite par l’organisation de Julian Assange. Une section dédiée, la Branche des appareils mobiles (MDB) de la CIA, a développé quantité d’outils pour pénétrer frauduleusement dans les téléphones portables. Deux unités sont même spécialisées dans le piratage des produits Apple et Android. Une fois infectés, les mobiles balancent potentiellement tout ce qu’ils savent : géolocalisation, communications écrites et audio. Ils peuvent même servir de micro (comme les télés Samsung) ou prendre des photos… En conséquence, les communications qui transitent cryptées entre deux téléphones (par exemple avec l’application Signal) mais qui sont en clair dans le téléphone, deviennent accessibles aux limiers de la CIA. «Ces techniques permettent à la CIA de contourner le chiffrement de WhatsApp, Signal, Telegram, etc.» écrit WikiLeaks. Les applications ne sont pas percées, mais le piratage des appareils donne accès aux contenus.

Ce type de faille n’a absolument rien de nouveau. Le chiffrement, largement popularisé après les révélations de Snowden, prémunit contre la surveillance de masse, pas contre des mesures ciblées. Une partie des détracteurs de la pêche au chalut opérée par la NSA ou son homologue britannique, le GCHQ, réclamaient précisément le retour à ce genre d’opérations ciblées, plus coûteuses en temps et en main-d’œuvre, et moins indiscriminées.

Comment la CIA s’y prend-elle ?

Pas de piratage sans faille. Entrer dans un système nécessite de débusquer une vulnérabilité. Dans le langage de la sécurité informatique, ces failles non-corrigées s’appellent joliment des «Zero Day». Edward Snowden l’a vite fait remarquer mardi sur Twitter : l’une des grandes révélations de cette fuite concerne ces failles. «La première preuve dans le domaine public que le gouvernement américain dépense secrètement de l’argent pour conserver un logiciel américain vulnérable», s’enthousiasme le lanceur d’alerte en exhibant un tableau trouvé dans les documents. Intitulé «Données sur les exploits [ce qui permet d’exploiter une faille « Zero Day », ndlr] iOS», il liste plusieurs d’entre elles, avec leurs caractéristiques et leur origine. Deux d’entre elles ont été achetées par la CIA ou la NSA. Autour de ces failles s’est en effet développé un véritable business : des entreprises, dont Zerodium, fondée et développée en France avant de s’expatrier aux Etats-Unis, vendent ces failles à prix d’or – plusieurs millions d’euros pour le système d’exploitation iOS. La régulation de ce commerce très spécial reste encore embryonnaire. Elle est primordiale : tant qu’elles ne sont pas corrigées, ces failles sont à la merci de quiconque a les moyens techniques de les exploiter. La CIA donc, mais aussi des dictatures, voire des mafias. En France, l’entreprise YesWeHack a lancé une plateforme, Zerodisclo.com, pour permettre à des anonymes de faire remonter ces vulnérabilités aux éditeurs et limiter ainsi les risques de piratage. Mercredi, Apple a réagi aux révélations de WikiLeaks en indiquant tout faire pour corriger les vulnérabilités restantes.

La CIA fait-elle comme la NSA ?                                    

L’inventaire à la Prévert des outils d’espionnage de la CIA donne immanquablement une impression de déjà-vu. Les documents de Snowden révélaient déjà l’étendue du savoir-faire de la NSA : de la surveillance la plus massive sur les câbles sous-marins aux attaques les plus sophistiquées de l’unité spéciale Tailored Access Operations. Philippe Hayez, responsable des cours sur le renseignement à Sciences-Po, n’y voit aucune redondance avec la CIA : «Il s’agit d’activités classiques de renseignement, un appui technique pour accrocher un objectif humain.» Y compris grâce à sa télé.

Pierre Alonso

 

 

LE POINT – 09/03/2017

Mur de Trump : Lafarge prêt à vendre son ciment

 

Lafarge a refusé de s’exprimer sur le financement indirect en 2013 et en 2014 de groupes armés en Syrie.

Ce projet à la frontière entre les États-Unis et le Mexique est évalué à des dizaines de milliards de dollars. LafargeHolcim lorgne ce juteux marché.

Cette annonce pourrait faire polémique. Dans un entretien accordé à l’AFP, le PDG du groupe franco-suisse LafargeHolcim se dit prêt à vendre son ciment pour le mur anti-clandestins promis par Donald Trump. Ce projet à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, évalué à des dizaines de milliards de dollars, est au centre d’une crise diplomatique entre Mexico et Washington et suscite des critiques à travers le monde. Le cimentier lorgne ce colossal programme de travaux publics en préparation aux États-Unis

« Nous sommes prêts à fournir nos matériaux de construction pour tous types de projets d’infrastructures aux États-Unis », déclare Eric Olsen, le patron du géant du ciment, interrogé sur sa possible participation à ce chantier controversé. « Nous sommes le premier cimentier aux États-Unis. (…) Nous sommes ici pour soutenir la construction et le développement du pays », justifie, en anglais, le dirigeant.

« Servir nos clients »

Questionné sur les éventuelles conséquences sur la réputation du groupe, Eric Olsen insiste sur le fait que LafargeHolcim ne fait pas de politique. « Nous sommes ici (aux États-Unis) pour servir nos clients et répondre à leurs besoins. Nous ne sommes pas une organisation politique », défend le grand patron.

« LafargeHolcim n’est pas une organisation politique. Nous n’avons pas d’opinion politique », insiste-t-il, refusant par ailleurs de s’exprimer sur le financement indirect par Lafarge en 2013 et en 2014 de groupes armés en Syrie, pays déchiré par un conflit meurtrier, pour maintenir en activité une de ses cimenteries.

Pas de boycott populaire

Eric Olsen opposera également une réponse identique au sujet d’une possible victoire de la candidate d’extrême droite Marine Le Pen lors de la future présidentielle française, alors que cette perspective inquiète de plus en plus les milieux financiers et d’affaires internationaux. Si ces positions sont de nature à valoir au groupe une mauvaise publicité et des remontrances des politiques, notamment en Europe, l’impact matériel serait, lui, négligeable, car LafargeHolcim ne vend pas directement son ciment aux consommateurs.

Il est ainsi à l’abri d’un potentiel boycott populaire comparable à celui subi par Uber après sa réaction timide au premier décret anti-immigration pris par le président américain fin janvier. Également présent aux États-Unis, le cimentier irlandais CRH a pour sa part déjà fait savoir qu’il ne fournirait pas ses matériaux pour la construction du mur du président Trump, qui a signé le décret de lancement du projet de construction le 25 janvier.

Un programme de 1 000 milliards de dollars

Les enjeux sont importants pour LafargeHolcim, né en 2015 de la fusion entre les cimentiers français Lafarge et suisse Holcim. L’entreprise espère être un des grands gagnants du programme d’investissements de 1 000 milliards de dollars promis par Donald Trump pour rénover les infrastructures américaines (ponts, tunnels, routes, aéroports). Ce plan, dont l’annonce est imminente, devrait inclure la construction du mur frontalier, croit savoir la presse américaine.

« Il va y avoir une hausse importante des dépenses d’infrastructures », anticipe d’ores et déjà Eric Olsen, parlant des premiers effets sur les résultats de LafargeHolcim à partir de 2018. « Nous sommes bien placés pour tirer profit de ces investissements », affirme Eric Olsen.

Créer de l’emploi

Le groupe, qui a renoué avec les bénéfices en 2016 après des pertes l’année précédente, devrait annoncer dans les prochaines semaines aux États-Unis des créations d’emplois, un sujet cher à Donald Trump, élu sur la promesse de rapatrier les emplois industriels sur le sol américain. « Je ne peux pas donner de chiffre exact, mais ce sera important », avance Eric Olsen.

Autre élément qui pourrait séduire Donald Trump, qui martèle depuis des semaines sa stratégie de donner la priorité aux salariés, marchandises et entreprises américains : LafargeHolcim dispose de sites de production au Texas et des opérations dans le Nouveau Mexique et en Arizona, soit trois des quatre États américains frontaliers du Mexique.

Le groupe vient par ailleurs de construire deux nouvelles usines dans le Maryland et l’Oklahoma et a ouvert de nouvelles capacités dans les Etats de New York et du Missouri en prévision du redressement en cours du secteur de la construction américain. Cette importante présence américaine pourrait faire pencher la balance de son côté face au cimentier mexicain Cemex, fortement pressenti pour emporter ce projet.

 

 

Vous souhaitant une bonne journée.

 

Cordialement,

 

 

Elena NATALITCH

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